dimanche 7 avril 2013

La première chose qu'on regarde - Grégoire Delacourt

 



Cette critique est plus officielle que les dernières publiées dans mon blog, car elle faisait figure d'essai pour ma candidature à un magazine culturel en ligne! Je vous redonne plus de nouvelles la-dessus bientôt!!

Le roman tant attendu de Grégoire Delacourt, La première chose qu’on regarde, est paru en mars dernier chez JC Lattès. Après avoir reçu un accueil des plus chaleureux au Québec pour La liste de mes envies l’an dernier, Delacourt tenait à faire paraître son livre en primeur chez nous (une exception pour un auteur français!)

Arthur Dreyfuss, jeune mécanicien, vit seul dans une petite maison à Long, un petit village situé au nord de la France. Sorti trop tôt de l’enfance suite à la mort préméditée de sa petite sœur, à la disparition de son père quelques années plus tard et à la grande tristesse de sa mère, Arthur mène aujourd’hui une existence morne et tranquille, qui se résume à travailler le jour au garage de PP et à écouter des séries américaines le soir. C’est d’ailleurs au cours d’une de ces soirées typiques, à la mi-septembre, que nulle autre que Scarlett Johansson frappe à la porte du jeune homme. La belle, qui s’est sauvée du Festival de Deauville à quelques kilomètres de là, cherche un endroit pour vivre quelques jours tranquille à l’abri des paparazzis. Sept jours de bonheur attendent Arthur Dreyfuss qui, malgré sa belle gueule (Éloïse, jolie serveuse du casse-croûte du village, dit qu’il ressemble à Ryan Gosling mais en mieux!), n’a pratiquement jamais touché une femme.

L’auteur du très grand succès de 2012, La liste de mes envies, a osé inclure dans son histoire une personnalité réelle, Scarlett Johansson, célèbre actrice et l’une des plus belles femmes du monde. Avec humour et honnêteté, Grégoire Delacourt ne dit pas, il montre. Les images sont simples et vivantes, presque naïves. À tout moment, on sourit, souvent en constatant que nous réagissons tous de la même façon face aux gens célèbres. Si Arthur Dreyfuss ne croit pas à ce qui lui arrive, il ne veut cependant qu’une chose: vivre ce rêve le plus longtemps possible, qu’il soit réel ou non.

Même s’ils semblent très différents de prime abord, l’actrice et le garagiste sont assez semblables, d’abord à cause de leur enfance difficile (identique à quelques détails près), mais aussi par leur innocence, qui leur permet de vivre cet amour simplement, en un si court laps de temps. Une histoire d’amour, certes, mais dans laquelle les apparences jouent un rôle majeur.

On ferme ce livre avec un peu plus de lucidité sur le vedettariat et les gens normaux, ainsi que sur l’importance des apparences dans notre société. Avec ce roman, Delacourt nous amène la réflexion suivante : nous qui sommes si simples et anonymes, ne serions-nous pas davantage superficiels que les vedettes de cinéma, même si la majorité des gens pensent le contraire? Alors que l’actrice désire un amour simple et vrai, Dreyfuss s’imagine sans cesse dans un décor de cinéma, avec la musique appropriée pour chaque scène, désirant un amour plus grand que nature.

Même si l’on se perd parfois dans des phrases sans fin, le style de l’auteur nous rattrape vite et nous séduit. Le double niveau de narration (externe et interne) est subtil et naturel, nous permettant de passer rapidement d’un point de vue relativement neutre aux pensées d’Arthur Dreyfuss, ainsi qu’aux dialogues souvent intégrés à même le texte. Si certains espéraient une fin aussi heureuse que dans La liste de mes envies, ils seront assurément déçus par le dénouement tragique de l’histoire (que l’auteur annonce dès le début). Certains déplorent le style plus saccadé et froid de ce roman, qu’ils associent à une écriture trop rapide dans le but de surfer sur son succès encore frais, tandis que d’autres apprécient la férocité du propos et la sensibilité de Delacourt face à des personnages fragiles aspirant à leur petit moment de gloire. 

Un livre qui touche, somme toute assez dramatique, mais avec un soupçon d’humour qui désarçonne le lyrisme.
 


jeudi 28 mars 2013

Les revenants – Laura Kasischke





Après avoir lu le roman Un oiseau dans le blizzard, qui m’a séduit par sa simplicité (caractéristique qui me plait particulièrement dans les romans!) et ses images bouleversantes, j’avais envie d’en savoir un peu plus sur les autres romans de Laura Kasischke, professeure de l’art du roman à l’Université Ann Arbor, Michigan. Même si je préfère habituellement les courts romans, l’histoire des Revenants m’attirait davantage, c’est pourquoi j’ai décidé de me plonger quand même dans ce roman de plus de 660 pages!

Ne vous laissez pas décourager par la multiplicité d’histoires racontées par les quatre personnages principaux de l’histoire, à 3 moments différents (sans indication de temps!); c’est un petit peu difficile de s’y retrouver au début, mais on s’y habitue rapidement et ça donne une profondeur immense au roman. L’histoire s’ouvre sur une scène d’accident de voiture d’un jeune couple à laquelle Shelly, professeure de musique au Honors College, est l’unique témoin. Pour une raison qu’elle ignore, la presse raconte des faits inexacts sur l’évènement, malgré ses démarches pour tenter de corriger les propos des journalistes. Ensuite, nous avons le point de vue de Craig, le jeune homme de l’accident accusé d’avoir tué sa copine Nicole en conduisant après avoir consommé de la drogue, et de son colocataire Perry, un étudiant surdoué originaire de la même ville que la jeune femme. Et finalement, certains passages sont aussi relatés par Mira Polson, aussi professeure à Honors College d’un cours d’anthropologie convoité par la majorité des étudiants, « La mort, mourir et les non-morts ».

On pourrait qualifier ce roman de "thriller sociologique", car on est par moments dans une intrigue policière, mais il ne faut pas s'attendre à ce que l'auteure déballe tout à la fin. Si l'histoire débute avec un fait divers étrange, le mystère plane tout le long de l'intrigue et se complexifie, jusqu'à nous laisser à la page 663 avec des suppositions, mais la vérité ne sera jamais révélée. Après tout, ce n'était pas si important. Le livre est efficace sans nous imposer de réponses, car il critique les sociétés fermées des plus grands collèges américains où cacher la vérité est chose commune.
Cette histoire, qui n'a rien a voir avec les livres de zombies ou de vampires qui pleuvent en ce moment, confronte les rituels sacrés de la mort avec la réalité d'aujourd'hui, en nous faisant prendre conscience que parfois, la vérité est celle à laquelle nous voulons bien croire. Et surtout, cette question qui nous hante du début à la fin: Qui est réellement Nicole Werner?

Un livre à lire pendant la journée pour les âmes les plus sensibles (comme moi!)



mardi 5 mars 2013

D'acier - Silvia Avallone

 

Piombino, ville industrielle de la Toscane, début des années 2000. Francesca et Anna ont treize ans, bientôt quatorze. Une blonde et une brune; belles, élancées, indécentes, mais surtout bouillonnantes. Elles n'ont qu'un désir: quitter cette ville ignoble, où les générations d'hommes répètent toutes le même métier et où les femmes qu'ils épousent lavent sans relâche les uniformes bleus trempés de la sueur de l'acier. 

Au début, elles sont pareilles. Même grandeur, même désirs. Mais tandis qu'Anna a en exemple une mère active en politique et fière de ses convictions, Francesca n'a pas la même chance. Entre un père violent et parano et une mère impuissante, elle s'accroche à ce qu'elle a de plus cher : Anna.

J'ai été bouleversée par ce roman. Je m'attendais à une histoire plus gaie, un roman moins social, moins réaliste, moins brutal. Et ce ne sont pas des défauts, au contraire. Silvia Avallone a su, avec ce premier roman, décrire avec une connaissance évidente du milieu des usines d'acier ce climat et ce lieu bien particulier où évoluent non seulement les héroïnes, mais aussi les différents personnages qui gravitent autour d'elles. Un roman portant sur deux jeunes femmes en quête d'identité et d'attention m'aurait plu, mais le fait d'en savoir autant sur leur entourage et d'avoir différents de points de vues ont étoffé l'histoire, lui ont donné une complexité et une densité exceptionnelles.

Non sans rappeler le Germinal de Zola, où la mine est un personnage qui avale les ouvriers à leur arrivée et les recrache le soir venu, D'acier nous fait vivre un moment dur, mais duquel on ne sort pas complètement ravagé. Parce que raconter une histoire réelle, c'est aussi parler d'amitié, de beauté, d'enfance, de complicité. 

Mon seul regret est d'avoir lu ce livre trop lentement! Un roman à lire d'une traite, si possible!


dimanche 17 février 2013

Les bonnes personnes - Véronique Papineau



Une histoire simple, racontée avec des mots simples, mais dont la portée est immense! 
Un roman à deux voix: d'un côté, une narration externe relatant le point de vue de Charlotte, trente ans, qui tente de se libérer des dommages laissés par sa relation avec un homme marié, et de l'autre, l'homme marié en question, Paul, pour qui le quotidien est loin d'être aussi parfait que Charlotte ne se l'imagine.

Bien sûr, Paul ne quittera pas sa femme pour Charlotte. Elle ne lui a jamais demandé, sachant très bien que c'est hors de question. Bien sûr, Paul a fini par lui dire qu'il ne l'aimait pas. Mais au-delà des mots, autant ceux qui restent dans la gorge que ceux qui se déploient, la réalité est propre à chacun et rien n'est aussi simple que l'autre ne se l'imagine. Pour Charlotte, dire "je t'aime" à Lecoq (l'homme avec qui elle tente une relation après sa liaison avec Paul) est davantage une manière de se convaincre elle-même qu'un gage d'amour, tout comme le "je ne t'aime pas" de Paul, qui devait aussi la convaincre de le laisser partir.

Malgré quelques passages embrouillés, quelques mots mal choisis, Les bonnes personnes m'a touché. C'est un roman empreint d'une lucidité incroyable, qui fait écho à nos propres expériences en abordant certains types de personnalités d'une manière très juste. Il me fait penser, d'une certaine manière, à Quelques adieux de Marie Laberge, à cause de sa capacité à nous faire accepter la trahison d'un homme envers sa femme (et vice-versa dans ce cas-ci!). (Je peux d'ailleurs sans aucune honte affirmer que Quelques adieux est un des romans qui m'a le plus marqué, que j'ai relu 4 fois depuis ma première lecture à la fin du secondaire.) C'est pour moi un roman qui s'inscrit dans la même veine, mais cette fois l'histoire est racontée avec plus d'humour, de réalisme et de manière moins lyrique. Une version 2010 plus simple et épurée! 

Une auteure à découvrir!



lundi 28 janvier 2013

Le gout des pépins de pomme - Katharina Hagena


Le gout des pépins de pomme, Katharina Hagena

Ça faisait un petit moment que je lui faisais de l’œil. La couverture douce et invitante m'a d'abord attirée, mais une fois que j'ai lu le résumé, j'ai su que j'allais aimer. Oui, j'ai aimé, je n'ai pas ADORÉ comme d'autres livres peuvent nous renverser, mais Le gout des pépins de pomme est un roman bien construit, dont on peut percevoir les odeurs et l'atmosphère comme si on y était, tant ces éléments sont décrits avec les mots justes.

Un autre roman où l'action se passe en Allemagne, mais d'un angle complètement différent. Lorsque Iris (la narratrice) se rend aux funérailles de sa grand-mère Bertha, elle est loin de se douter de ce qui l'attend. Voilà qu'en lisant le testament avec sa mère et ses deux tantes, Iris apprend qu'elle hérite de la maison familiale à Boosthaven, dans le nord du pays. À mesure que les souvenirs entourant cette maison lui reviennent, nous apprenons l'histoire de sa famille qui, non loin du réalisme magique de Garcia Marquez, a évolué dans un univers où les arbres ont un lien étroit avec les êtres, et où le poids de la génétique prend une place de premier plan.

Même si la traduction est parfois maladroite, j'ai trouvé que les mots étaient généralement bien choisis tout au long du texte. Un roman tout en simplicité, mais la petite touche de magie (un arbre dont les pommes murissent en juillet au lendemain d'une nuit chaude entre deux amants, l'action ayant lieu sur une couverture à ses racines) permet au lecteur de s'évader dans un monde inconnu, presque un non-lieu.

Je me suis toujours dit qu'un roman qui soulève encore des questions après avoir lu le tout dernier mot est un livre qui en vaut la peine. Après ma lecture de ce roman, il me semble que je n'ai pas répondu à toutes les interrogations qu'il a soulevées, je pense donc que je devrai le relire! Ne serait-ce que pour goûter un peu plus longtemps à la compote de pommes de l'arbre centenaire, ou bien imaginer les tenues de soirées enfilées par Iris à maintes reprises dans le texte (ça c'est la petite princesse en moi qui parle!)

Un petit livre de poche qui se lit rapidement, sans qu'on ne se rende vraiment compte d'avoir lu près de 300 pages en un après midi paresseux et gris ...


vendredi 18 janvier 2013

En rafale...

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Comme je veux faire des critiques de livres que je n'ai pas encore lus, je me suis dit que certains seraient peut-être intéressés d'avoir quelques suggestions sur des romans que j'ai lus depuis un certain temps déjà!
Voici donc la liste de mes meilleurs lectures à ce jour! (même si j'en ai sûrement oublié quelques unes...) 
PS: Elles ne sont pas dans l'ordre de préférence.

- Le mec de la tombe d'à côté, Katarina Mazetti
- Novecento pianiste, Alessandro Baricco
- La servante écarlate, Margaret Atwood
- Lignes de faille, Nancy Huston
- Le vieil homme et la mer, Ernest Hemingway
- Carnets de naufrage et Chercher le vent, Guillaume Vigneault
- Rien ne s'oppose à la nuit, Delphine de Vigan
- L'histoire de l'amour, Nicole Krauss
- Doux-amer, Claire Martin
- Les hauts de Hurlevent, Emily Brontë
- Tu, mio, Erri de Luca
- Baisers de cinéma, Éric Fottorino
- Passion simple, Annie Ernaux
- Tout ce que j'aimais, Siri Hustvedt
- L'amant, Marguerite Duras
- Faire l'amour, Jean-Philippe Toussaint


La vérité sur l'affaire Harry Quebert - Joël Dicker



Ça faisait très (TRÈS) longtemps que je n’avais pas lu une brique (pour moi, un livre contenant plus de 350 pages est considéré comme beaucoup trop long habituellement!). Et très longtemps, aussi, que je n’avais pas littéralement dévoré un livre de la sorte. Malgré ses 667 pages, La vérité sur l’affaire Harry Quebert, roman écrit par Joël Dicker aux éditions de Fallois, m’a complètement captivé : je l’ai lu en trois jours seulement.

Dès les premières pages, nous sommes ramenés 33 ans en arrière lorsqu’une jeune fille de 15 ans, Nola Kellergan, disparaît en août 1975 dans la petite ville d’Aurora, au Massachusset. Cette histoire, que les habitants de la ville avaient presque oubliée, refait surface en 2008 lorsqu’on retrouve le squelette de Nola derrière la maison de l’écrivain célèbre et professeur d’université, Harry Quebert. On retrouve aussi le manuscrit encore lisible du roman Les origines du mal, plus grand succès littéraire de Quebert, dans le sac de cuir de la défunte jeune fille. Lorsqu’on arrête Harry Quebert, son mentor et plus grand ami, Marcus Goldman, écrivain en manque d’inspiration après le succès de son premier roman, décide de se rendre sur les lieux de crime. Si au départ Goldman ne voulait rester que quelques jours au Massachussets, le désir d’innocenter l’écrivain prend tout son temps et l’amène dans un tourbillon duquel il ne pourra sortir qu’une fois qu’il aura trouvé le véritable coupable de l’assassinat de Nola. 

Ce roman n’est pas tout à fait un roman policier. Oui, il s’agit d’une intrigue tissée à la manière des thrillers américains, mais ce qu’on lit, c’est aussi une réflexion sur l’amérique, la loi, et surtout l’authenticité. Un roman d’apprentissage aussi, car c’est au fil des 31 conseils d’Harry Quebert, donnés à Goldman quelques années plus tôt, que les chapitres se suivent de manière décroissante (de 31 à 1!) et permettent à l'écrivain Marcus Goldman d'écrire le roman que nous lisons, soit L'affaire Harry Quebert. Joël Dicker met en scène autant des personnages complexes que des stéréotypes (comme l'éditeur New Yorkais de Goldman ou alors sa mère qui n'a qu'un seul désir, celui de le voir marié), ce qui ajoute à la fois de la profondeur au texte et une touche d'humour.

Seul bémol (c'est d'ailleurs un peu le même que René Homier-Roy dans sa critique du 11 janvier) : la relation entre Nola et Harry, qui a inspiré ce dernier pour son roman Les origines du mal, est relatée (par la copie des lettres véritablement échangée en 1975 entre les 2 amoureux) de manière très simpliste et conventionnelle. On a l'impression qu'il s'agit d'une relation naïve et étrange, et je n'y ai pas vraiment cru. Bien sûr, lorsque la vérité sur l'affaire est révélée à la fin, on comprend un peu mieux l'effet que Dicker a voulu créer, mais il me semble que pour un livre considéré comme un classique de la littérature américaine dans le roman, Les origines du mal a tout à envier aux titres de Nicolas Sparks ou Marc Lévy!

Malgré cela, c'est le meilleur livre que j'ai lu depuis longtemps! Si vous êtes à la recherche d'un roman passionnant, extrêmement bien construit et contenant une réflexion intelligente sur la réalité de l'édition de best-sellers, courez vite vous procurer La vérité sur l'Affaire Harry Quebert

Pour terminer, voici un extrait qui m'a fait beaucoup rire en tant que future éditrice (et bouc émissaire d'auteurs!!)

"- Mon éditeur dit que si je n'écris pas un nouveau livre maintenant, je suis fini.
- Vous savez ce qu'est un éditeur? C'est un écrivain raté dont le papa avait suffisamment de fric pour qu'il puisse s'approprier le talent des autres." (p.31)

*La vérité sur l'Affaire Harry Quebert a remporté le Prix Goncourt des lycéens 2012 et le Grand prix de l'Académie française 2012.